Le sacrifice ultime

Seule,réfugiée dans ses appartements, Pilpa laissait enfin ses yeux se soulager
Elle retenait ses larmes depuis si longtemps ..... mais ce soir dans l'intimité de sa chambrette elle se laissait enfin aller a extérioriser son chagrin

Le froid avait envahi ses os, le rire avait fuis ses yeux, la vie avait perdu tout attrait
et tout cela pour avoir entrouvert une porte qui lui avait été claquée au nez
sans lui laisser la moindre chance ni d'expliquer ni de justifier
De toute facon cela n'aurait servi à rien elle le savait parfaitement
Elle avait fait une erreur, une monumentale erreur il lui fallait en payer le prix
Mais que c'etait dificile

Elle qui avait toujours defendu l'idée que le temps attenue les souffrance les plus profondes aujourd'hui doutait
Les jours avaient succédés aux jours, les semaines aux semaines, et son incertitude etait toujours aussi forte qu'au premier jour, peut etre meme pire encore

Ses pensees la ramenaient toujours vers ce jour maudit ou elle avait voulu croire .....esperer.....folle qu'elle était

sa place était au fond du gouffre, là seulement elle savait évoluer en terrain connu, dans les eaux noires et profondes que la lumière n'atteignait jamais, et ou nul être vivant ne pouvait la suivre

Elle aurait aimé retrouver la joie d'autrefois pour un jour, pour une heure seulement

Hélas on n'efface pas ce qui fait mal d'un simple coup de baguette magique
elle avait du payer le moindre de ses petits bonheur, elle devrait encore passer à la caisse aujourd'hui

Trouverait elle assez de force pour cela ? elle en doutait de jour en jour
et l'éternelle question qui revenait en boucle dans son esprit ravage

"pourquoi ? "

pourquoi, pourquoi avait elle fait pareille promesse de facon aussi inconsidérée......

ha ce jour funeste......

c'était il avait maintenant 40 jours, au temps ou la guerre faisait rage en orclandish, ou Dames Salaha, Diabloca, Elektra tremblaient pour leurs époux et fiancés

Au temps ou les Wersats étaient exangues, ou les buchoneries marchaient à plein régime jour et nuit pour essayer de soutenir ses guerriers courageux, au temps ou chaque seigneur avait arrété de s'occuper de ses domaines pour devenir bucheron à temps plein

Pilpa, comme eux, avait fait tourner 24h/24h ses équipes mais les forêts commencaient à se dégarnir sérieusement, bientôt il n'y aurait plus un seul arbre à couper sur aucune des iles de nawak, bientôt les valeureux guerriers de la guilde tomberaient sous les coups ennemis malgrè leur courage

On voyait venir la fin et elle s'annoncait tragique

Pilpa ne pouvait rester insensible à l'inquiétude de ses amies, au découragements de ses frères de guilde

Sur un coup de tête irréfléchi elle se précipita donc dans le temple des dieux et se mit ardemment à prier

Elle y avait mis tout son coeur, toute son ame, des heures durant elle avait prié, suplié, imploré, seule à genou sur les dalles glacées

Et soudain alors qu'elle allait s'avouer vaincue par le destin cruel, alors que l'espoir quittait son coeur, alors que le découragement s'abattait sur elle,



soudain......

la visitation du dieu


Soudain une voix avait retenti sous les voutes du temple
une voix qui l'avait tout à la fois emplie de crainte et de respect
une voix qui avait provoqué en elle un émoi indescriptible un espoir fou
une voix dont chacune des paroles resteraient à jamais gravées dans son âme
une voix qui avait dit:

-J'ai entendu vos ferventes prières Dame Pilpa et je suis tout prêt à vous octroyer ce qui vous tient tant à coeur
je vais intervenir pour que cesse cette guerre et que les pertes soient limitées à celles déja subies
Les wersats n'auront rien de plus à payer que ce qu'ils ont déja consentis
Mais deux conditions essentielles sont à accepter en paiement de mes largesses

la premiere: Vous renoncerez à tout pour vous consacrer durant 50 jours à mon culte exclusif
tous vos instants devront être tournés vers la prière et exclusivement vers cela
une vie pieuse, pure, et sans partage
Vous devrez donc renoncer à vos amours terrestres et n'aimer que moi durant cette période sans jamais dire à quiconque le pacte scellé entre nous

la seconde des conditions concernera votre chère guilde
deux mariages devront être célébrés dans le même délai de 50 jours
deux mariages d'amour il va s'en dire
deux mariages dont les voeux devront être prononcés dans mon temple
dans le cas ou il en manquerait un, seul un sacrifice humain permettra de le remplacer


si vous acceptez le pacte, Dame Pilpa, et que vous manquiez à votre parole, je choisirais moi même 6 membres Wersats auquels j'enleverais la vie en une seconde à l'échéance des 50 jours
Si vous acceptez mon marché signez donc le contrat d'une goutte de votre sang


Lorsque le dieu eut fini d'exprimer ses demandes un parchemin apparu miraculeusement sur l'autel devant lequel Dame Pilpa était toujours agenouillée
Elle le prit, le lut, et entaillant un de ses doigts d'un léger coup de sa dague laissa tomber une goutte de son sang pour engager sa parole et son honneur

Effectivement dès la minute ou la goutte de son sang avait touché le parchemin la guerre avait pris fin

Les guerriers Wersats étaient tous rentrés sain et sauf à la maison
La liesse générale s'était emparée de la guilde
Chacun fêtant à sa manière la fin des hostilités, qui en buvant de grandes lampées du rhum local, qui en se déhanchant sur des musiques effrénées, qui en retrouvant à l'abri des regards l'aimé enfin revenu

Pilpa, assise un peu à l'écart assistait à ces démonstrations de joie un peu tristement
Les deux mariages ne devraient pas poser problème pensait elle fort mal à propos en ces instants, le renoncement exigé par les dieux à tout autres dévotions que celles qui leurs seraient destinées lui semblaient être le sacrifice ultime

Si elle était heureuse de constater qu'elle avait fait le bon choix, le seul choix possible pour reconstruire l'avenir, elle pleurait déja la perte qu'elle s'apprétait à vivre,

Au bout d'un moment constatant que chacun s'amusait elle quitta sans bruit le groupe pour retourner à ses appartements
La devant son écritoire elle entreprit d'écrire le plus triste des messages de toute sa vie
Ecrire à celui qui habitait chacunes de ses pensées que le destin lui ordonait de prendre un autre chemin
Sans lui donner la raison véritable, elle écrivit donc tout en pleurant la fin d'un bonheur à peine entrevu
De toutes les actions qui avaient parsemées sa vie, cette lettre lui semblait être la pire des souffrances qu'elle aurait à endurer

Folle qu'elle était alors d'immaginer cela

un destin bien plus cruel que cela l'attendait au détour du chemin mais elle ne le savait pas encore......

En cet instant elle ne ressentait qu'un grand vide au coeur, de devoir offrir en paiement aux dieux le seul amour que son ame ait connu, la seule passion que son coeur ait vécu

Elle écrivit donc sa dernière missive et sans même la relire de peur de voir fondre son courage elle la confia à sa colombe pour qu'elle livre ce dernier adieu immédiatement à son destinataire

puis elle s'effondra sur sa couche, les yeux noyés de larmes au souvenir d'une plage de sable fin et d'un tendre baiser qui resteraient dans ses pensées jusqu'a son dernier souffle

Souvenir d'un bonheur à peine ébauché et déja irrémédiablement perdu

Dès le lendemain, Pilpa honora son dieu matin, midi, et soir
Elle lui consacra tout son temps disponible
Elle se levait avec le soleil, se couchait quand la lune devenait maitresse des cieux, et ne mesurait ni sa ferveur ni sa piété
prières, actions de grace pour le remercier de sa grande bonté
Entre deux prières elle préparait activement les deux mariages a venir
Il fallait que tout soit parfait

Prise par toutes ses obligations elle ne voyait plus le temps passer

Parfois de loin elle observait ses frères de guilde insouciants et heureux, et une certaine mélancolie s'emparait d'elle alors

Mais très vite elle se reprenait et occupait son esprit a des pensées moins moroses
Tout s'annoncait le mieux du monde

Et puis un matin.....

Elle recu la nouvelle comme une bombe
le premier des deux mariages prevus n'aurait pas lieu
annulé sans appel possible
elle n'eut pas le temps de mesurer l'ampleur du problème tout de suite car sa présence fut nescéssaire auprès de ses amis pour les aider a surmonter le choc
mais une fois celui ci passé ......

Elle réalisa qu'il ne lui restait que 10 jours, 10 jours seulement pour trouver une solution

d'abord pleine d'espoir elle commenca une liste
qui serait susceptible de se marier dans les 10 jours a venir.....

Dame Diabloca et le seigneur Ubris peut etre ?
Non un démon de l'orgueil n'acceptera jamais d'épouser sa belle sur demande

ou Dame Neno et le seigneur Cladius ?
même pas la peine d'y penser

ou encore Dame sylver et le seigneur Luffy ?
là c'est Bossan qui meurt d'une crise cardiaque

ha personne, elle ne voyait personne qui serait prêt à se marier par amour dans de si brefs délais

Que lui restait il comme solution ? désigner un de ses amis à sacrifier ? elle ne pouvait s'y résoudre
mais alors les dieux en prendraient d'eux même six
cela n'était pas acceptable
une seule solution elle devait s'offrir elle même en sacrifice
quelle plus belle cause que celle des Wersats pour mourrir.... enfin peut être aurait il était plus sympatique de vivre pour eux .....mais voila quand on avait prié inconsiderement, quand on c'était cru si forte à pouvoir commander aux dieux, quand .....ben fallait assumer maintenant
passer à la caisse

C'était à elle à organiser cela comble du comble
c'était déja assez dur à vivre, en plus elle devait en assurer le bon déroulement

Elle essayait d'organiser des pensées qui s'égaraient sans cesse il lui était dificile de se concentrer sur pareil sujet
Elle n'avait même pas le réconfort d'une épaule sur laquelle se reposer, d'une poitrine sur laquelle appuyer son front et pleurer

Et puis elle n'avait jamais organisé de sacrifice comment cela s'organisait il en fait ? ou trouver des informations à ce sujet
Il ne devait pas exister grand monde qui sache............

Quelqu'un pouvait l'aider du moins à ce que cette cérémonie soit bien orcherstrée, une seule personne avait ce savoir faire
Sa chère maraine Dame Salaha

Aussitot Pilpa lui écrivit une longue et troublante lettre pour lui expliquer ce qu'elle attendait d'elle
pour la supplier de l'aider à honorer une promesse ou son honneur était engagé


Ne cherchez pas d'extrait de ce courrier, l'intimité des mots, la souffrance qu'ils transmettent seule Dame Salaha peut les supporter
Mais sachez juste que Pilpa y a mis toute la force de persuasion dont elle était encore capable, tout l' amour et la tendresse quelle gardait en son coeur, pour supplier sa maraine d'assurer le role qu'elle seule pouvait tenir
Etre la main qui accomplirait la volonté des dieux

La drow était de retour en son sanctuaire après quelques mésaventures et désillusions sur le potentiel démoniaque des Wersats. Comme de coutume, elle se saisit d'un livre et s'installa dans son fauteuil. Le sujet du jour différait toutefois. "Mille et une manières de combattre l'ennui" figurait sur la couverture de cuir.

Alors qu'elle entamait la lecture de la 552ème solution, un messager fut annoncé. Le parchemin fut transmis d'une main tremblante et le condamné cavalier se tint devant elle, attendant une éventuelle réponse. Elle reconnut le sceau et déplia la missive, le regard paisible. Des nouvelles de sa filleule ne pouvaient être que sujet agréable, peut-être un peu d'animation dans sa soirée. De l'animation, elle en eut certes.

(Notez que ma tête a failli tomber pour avoir osé retranscrire ces quelques lignes).

Elle lut donc, et chaque ligne vit la mine de la cruelle drow changer. Tout d'abord vide d'émotion, son visage se crispa. Ses lèvres se courbèrent peu à peu vers le bas. Ses sourcils se froncèrent. Ses yeux se perdirent dans le vide, puis s'emplirent d'une profonde tristesse. Ses mains se crispaient sur le papier. Elle repoussa sa main et par la même la raison de sa douleur, loin de son regard meurtri. Elle n'était pourtant qu'à mi-chemin sur la route de son désarroi. Elle s'effondra contre le dossier, alors que le messager, face à elle, pâlissait un peu plus chaque seconde.

L'intendant, assis à son bureau un peu plus loin se leva devant pareil spectacle et apporta un verre de sang à sa maîtresse. Elle but à fines gorgées et esquissant un 'non' de la tête, dans un souffle laissa échapper son incompréhension.

Une telle peine...

Oserais-je demander ce qui affecte son Immense Froideur ?

Ma filleule...

Un incident fâcheux ?

Une profonde souffrance que je n'ai su deviner.
Une conséquence de plus de cette guerre absurde.

Elle souffre ? Et cela vous afflige ?

Humpfff...
Il devrait en être autrement en effet.
La souffrance est bien souvent spectacle jouissif.
Toutefois, elle est ma filleule et je me fais un devoir de la préserver.

Peut-être pouvez-vous y remédier, dans votre grande splendeur ?

Cela est loin de mes coutumes...
Enfin..."

Elle reprit sa lecture, sous le regard tremblant du colporteur. Sa mine s'assombrit encore au désespoir de l'intendant. De petites goûtes d'eau apparurent même dans le fond de ses yeux.

"Comment remédier à un malheur dont je suis une cause..."

Nul n'osa répondre. Elle poursuivit. Elle lut, relut le dernier passage. Il s'écoula plusieurs minutes ainsi, ses yeux repassant sans fin les dernières lignes en revue. Une larme vint perler dans le coin de son oeil. Elle qui pensait s'en être vidée, voilà que l'eau coulait encore sur ses joues.

Comment le pourrais-je !?

Elle se leva, fit les cent pas. S'arrêta devant le messager. Se rappelant le post-scriptum "Épargnez donc le pauvre être porteur de cette sombre missive, le triste sir n'y est pour rien dans cette affaire.", lui fit signe de s'en aller d'un revers de main. Elle reprit sa ronde folle, cycle interrompu par quelques arrêts saccadés.

L'intendant fit chercher une nouvelle fiole. Un vieux serviteur entra et tendit le breuvage à la drow. Elle le porta à ses lèvres et, saisie d'un doute, recula la boisson.

"De quelle créature s'agit-il ?

Votre favorite, du sang de sirè..."

Le bougre n'eut le temps de finir qu'il s'effondrait, une hache en milieu du crane.

"Ma filleule me demande de procéder à son sacrifice Zippo."

L'intendant la fixa ne sachant trop que répondre... larmes de joie ou de tristesse, dans le fond il ne savait pas. Le cadavre toutefois laissait penser à un chagrin immense.

"L'occasion d'offrir une âme à la divinité ?"

Tenta-t-il à tout hasard pour voir le bon côté de tout cela. Il reçut pour réponse un regard noir, et un ton furribond.

"Jamais !
Jamais je laisserais cet ange être damné !

*GLURP*"

Ce qu'on peut affirmer est que jamais la tête de l'elfe décharné n'avait frôlé le sol de si prêt. La drow se retint toutefois. Nulle envie de chercher un nouvel intendant ne l'habitait. Et elle avait plus important à décider.

"Elle se veut sacrifiée...
Elle le doit...
Quel être se prétendant bon pourrait exiger cela...
Vaste hypocrisie que cette divinité là...

Elle me choisit pour bourreau...
Un honneur... une souffrance...
Faire tomber sa tête d'ange...
Éteindre à jamais son doux regard...

Je ne puis toutefois lui refuser le choix de son départ..."

Elle prit une profonde inspiration.

"Soit !
Fais transmettre mon accord, je n'ai point la force de l'écrire..."

Elle sortit sans mot de plus, en sa chambre, elle s'en fut, pleurer à chaudes larmes, à l'abri de tout regard. Elle vida son corps de l'eau qu'il contenait, et son être du peu de lumière qui y restait. Les ténèbres seraient à jamais sa demeure après cela. Le couperet signerait la mort d'un ange, la naissance d'une démone.

Ce soir là, elle se prit à prier... tout les démons qu'elle connaissait... cherchant en vain... une lame assez puissante pour se débarrasser de ce dieu là. Ne trouvant point, c'est vers elle-même qu'elle se tourna, puisant aux profondeurs les plus sombres de son esprit pour rassembler la force que demandait tel geste.